Le journal de Mara-ra

«Le soir du solstice d'été de 5901, je me promenais seule dans la vallée Karena. L'endroit avait mauvaise réputation à cause de sa proximité de la Tour de la Lune. Il était assez tard mais étant donné la période de l'année, le soleil continuait à envoyer quelques rayons au dessus des montagnes. Je remarquai que Charon s'était levée. Elle était pleine et son disque argenté brillait de manière particulièrement intense. A côté, Orhan, aussi visible à ce moment, semblait avoir perdu de sa superbe avec ses nuages qui formaient des formes presque trop géométriques.

On m'avait toujours appris à admirer Orhan la Fière avec ses seigneurs que mes proches appelaient leurs dieux. Mais Charon la Mystérieuse m'avait toujours semblé beaucoup plus intéressante. Orhan était là tous les soirs avec son grand disque recouvert de nuages. Charon, plus petite, était imprévisible. Seuls les astrologues pouvaient déterminer exactement les moments de sa venue. Lorsque elle apparaissait, tout le monde avait peur. La superstition disait que le mal, la chaos et le malheur venaient de Charon.

Moi, j'en profitais souvent ces soirs-là pour me promener toute seule. De toute façon, ils étaient tous lâches et stupides au village. Ils ne me prenaient jamais au sérieux. Lorsque je leur disais que j'étais bien plus intelligente qu'eux et que je les dirigerai tous un jour, ils me ricanaient niaisement à la figure.

Ce soir-là, donc, j'étais en train de rêver à ma puissance future en regardant Charon quandje vis à quelques dizaines de mètres une lumière qui semblait répondre à Charon de par son éclat et sa couleur. Intriguée, je m'approchai. L'éclat diminua progressivement au fur et à mesure que j'avançai. Quand j'arrivai à l'origine de cette lumière, l'éclat avait totalement disparu. En fait, ce que Charon m'avait indiqué par son rayonnement était un magnifique objet, un médaillon en or accroché à une délicate chaîne elle aussi en or. Persuadée que le destin était enfin de mon côté, je le pris et l'ouvris.»

«Depuis que j'ai rencontré Karena, je suis devenu femme. J'ai dit Adieu à ma jeunesse ennuyeuse et à tous ces imbéciles du village. Je ne comprends pas encore tout ce qu'elle me dit mais je suis convaincue que cela ne durera pas. Je me sens stimulée, remplie d'une force invincible. Je vais enfin pouvoir me révéler toute entière. Karena va m'y aider.»

«La bataille faisait rage. Karena menait ses guerrières d'une main de fer. Elle était impressionnante dans son armure noire et portant son pendantif doré brillant intensément sous le rayonnement de Charon. Sa monture monstrueuse, une chauve-souris géante glaçait le sang à tous les adversaires qui ne résistaient pas longtemps à la lame de Karena. Déjà, plus de cent de ces mâles qui se pensaient "chevaliers" avaient été terrassés. Elle leur avait à chaque fois sucé le sang, rassasiant sa soif infinie d'énergie vitale. A chaque fois, elle avait semblé devenir encore plus forte. Pourtant, la situation était grave. Elle avait été encerclée par Crévolic et son armée et ils resserraient maintenant leur étau. On l'avait envoyé en avant pour surprendre les ennemis à côté de leur capitale pour les déstabiliser. Mais la résistance avait été beaucoup plus importante que prévue. Elle avait pressenti que cette vallée lui porterait malheur. Alors que ses guerrières n'étaient plus qu'une poignée, elle vit son ennemi, Crévolic, l'héritier de Rhakhaan, montant un phoenix aux ailes de feu. Ils se ruèrent tous deux à l'attaque. Karena brandit son Implementator, son pendentif se mettant à briller encore plus fort, pendant que Crévolic faisait tournoyer l'épée du Phoenix. A la fin de leurs charges, les épées se croisèrent dans un éclair aveuglant. Karena fut surprise en voyant son épée se désintégrer sur le coup. Apparemment, les rumeurs sur ces épées de Tethior étaient vraies, elles possédaient le pouvoir des Narselkin. Elle eut peu le temps de réfléchir, déjà un coup formidable de Crévolic s'abattait sur elle, la désarçonnant et la blessant mortellement. Karena eut encore le temps de voir l'épée de feu une seule fois et le combat fut terminé.»

«Karena me dit d'aller à la tour de Charon. Je n'y étais jamais allée auparavant, les villageois disaient qu'elle était hantée et rien ne m'y avait attiré jusque là. Karena me dit qu'il n'y avait rien à craindre et je lui faisais confiance. De toute façon, elle saurait me protéger au besoin. En arrivant à la tour, je découvrai l'architecture originale et surtout qu'elle était en bien meilleur état que l'on aurait pu se l'imaginer. Il ne fallut pas longtemps pour en faire un endroit tout à fait agréable. Je découvrai aussi l'Orbe.»

«Karena sait beaucoup de choses. Elle connait les secrets de la magie noire. Elle m'apprend à manipuler l'Essence et les pouvoirs que j'acquiers, me semblent illimités. Néanmoins, un problème se pose. Karena a faim. Je me sens moi-même faiblir de jour en jour. J'ai essayé de manger mais cela ne m'a fait aucun effet. Elle m'explique qu'elle doit boire mais pas n'importe quel liquide. Elle a soif de sang humain.

Je capturai Jaed que j'avais connu avant et nous bûmes.

Je pris tout de suite goût au liquide suprême, essence de la vie et de la force. Mes forces étaient revenues et je sentais une nouvelle énergie me traverser.»

«Karena me demanda de recruter des soeurs pour augmenter ma puissance. Je commençai donc à séduire des femmes. Karena attirait irrésistiblement la plupart des femmes, en réveillant en elles leurs sentiments contre les hommes les plus profonds. Avec mes pouvoirs, je pouvais leur donner la vie éternelle. Puis régulièrement, lors du solstice, nous attrapions un homme et le suçions de son sang, avec toujours plus d'ivresse.»

«Je veux créer un être de ma chair. Au prochain solstice, je m'accouplerai et j'aurai un enfant.»

«Finalement, l'accouplement fut bien agréable et surtout très fructueux puisque j'attends un enfant. Je l'appellerai Karang.»

«Depuis longtemps, je m'interessai à l'Orbe de la tour. Avec l'aide de Karena, j'en comprenais lentement les mystères. C'était un objet très ancien et très puissant. Je decouvris d'abord le pouvoir d'observation. Je pouvais ainsi voir les environs de la tour sans me déplacer, ce qui facilitait grandement les recherches de nouvelles proies. Parfois, j'entr'apercevais des silhouettes dans des endroits que je ne connaissais pas. Puis, au fur et à mesure du temps, les visions se faisaient de plus en plus précises. En particulier, une image était plus nette, plus proche, plus familière. Je me concentrai sur cette image qui m'attirait particulièrement et à force d'efforts et et d'études, je parvins à communiquer avec la personne. C'était Taranak. Il était toujours vêtu d'une robe rouge sombre avec un symbole en forme de cheval gris majestueux. Il avait une présence extraordinaire et je tombais tout de suite amoureuse. Ainsi, nous commençâmes à communiquer régulièrement. Il me parlait de Shaynar, le Dieu chauve-souris, des nouveaux pouvoirs que je pouvais développer. De nouveaux horizons s'ouvraient à moi.»

«Taranak m'avait envoyé deux de ces messagers. J'avais caressé l'espoir qu'il vienne en personne mais je ne fus pas déçue par ses envoyés. Ils étaient arrivés à la tombée de la nuit, casqués, revêtus d'une armure rouge, montant de superbes chevaux gris. Ils m'avaient apporté les livres que m'avait promis Taranak. Je les ai invité à passer la nuit à la tour, ce qu'ils ont volontiers accepté. Après avoir bu quelques coupes de sang frais, nos corps se sont libérés et nous avons passé une nuit dont je me souviendrai toute ma vie.»


Eric Värnild
boulot : evarnild@infovista.fr (lu tous les jours ouvrés)
perso : varnilde@compuserve.com (préparez vous à être patient...)

Mis à jour le 27 Février 1997